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Washington, DC – Dans le contexte de la crise économique mondiale qui fait suite à l’urgence sanitaire internationale, et face à des fuites de capitaux sans précédents dans les économies en développement, le Fonds monétaire international a le devoir d’émettre 3 000 milliards de DTS (3 000 000 000 000 Droits de Tirage Spéciaux) pour soutenir les pays à revenu faible et intermédiaire, ont déclaré les économistes du Center for Economic Policy Research (CEPR), Mark Weisbrot et Andrés Arauz. La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a annoncé étudier la possibilité de procéder à une allocation de droits de tirage spéciaux (l’actif de réserve du FMI), comme l’institution l’a déjà fait lors de la récession mondiale de 2009. Ce montant devra être important, ont déclaré MM. Weisbrot et Arauz, compte tenu de l’ampleur de la crise et de l’incertitude économique inédite à laquelle le monde est aujourd’hui confronté.
« Nous appelons le G20, et plus particulièrement les États-Unis, à soutenir l’émission et l’allocation de 3 000 milliards de DTS par le FMI », a déclaré le codirecteur du CEPR, Mark Weisbrot. « Ce serait un moyen rapide et direct de contribuer à la capacité de tous les pays à contenir le virus COVID-19 et à éviter des vagues de contagion ultérieures. Les DTS constitueraient une force stabilisatrice et un coussin économique pour faire face à l’urgence sanitaire internationale ».
Le gouvernement étasunien, via la Réserve fédérale, offre déjà un accès illimité aux dollars à cinq banques centrales dans le monde, et un accès limité à neuf autres pays. Mais alors que la pandémie est un phénomène planétaire, ces lignes de swap ne couvrent que les banques centrales de 17 % de la population mondiale. Il serait difficile, long et même inutile pour la Réserve fédérale de signer des lignes de swap avec toutes les banques centrales de la planète.
« Le soutien du gouvernement étasunien au travers de ses dollar n’est pas seulement un acte de solidarité, il préserve la stabilité du système financier mondial », a déclaré Andrés Arauz, chercheur senior au CEPR. « La panique financière dans une région de la planète peut se propager au reste du monde ».
En 2009, le FMI a émis 183 milliards de DTS, après que le G20 a soutenu l’appel des Nations unies en faveur d’une allocation spéciale. Alors que la plupart des DTS ont été alloués à des pays à haut revenu disposant généralement de suffisamment de devises fortes pour financer leurs importations – les pays de l’OCDE en ont reçu 59,6 % – environ 8,8 %, soit quelque 16 milliards de DTS, sont allés aux pays à faible revenu, qui avaient grandement besoin de réserves. Si 31 pays à faible revenu avaient échangé l’ensemble de leurs DTS nouvellement alloués contre des dollars à ce moment-là, ils n’auraient reçu, au total, que 25,3 milliards de dollars.
Dans les pays à faible revenu, les réserves internationales sont déterminantes au financement des importations, notamment des équipements sanitaires et des kits de dépistage, qui sont essentiels pendant cette pandémie. Bien qu’ils aient reçu une petite somme, les pays qui en ont le plus bénéficié – par rapport à leurs réserves internationales – et qui sont peut-être maintenant les moins préparés à faire face à la pandémie de coronavirus, sont les pays d’Afrique subsaharienne. Par exemple, la République démocratique du Congo a reçu l’équivalent de plus de 800 % de ses réserves existantes de l’époque, le Zimbabwe a reçu plus de 600 % de ses réserves, la Guinée plus de 200 % et le Liberia plus de 100 %.
« C’est pourquoi nous devons adopter une approche audacieuse au nom du Conseil des gouverneurs du FMI », a déclaré M. Arauz. « Une émission symbolique simplement pour démontrer la bonne volonté ne suffit pas. Si le FMI décide d’émettre des DTS, les États-Unis en obtiendraient environ 17 %, et les pays à revenu élevé en recevraient environ 62 %. Les banques centrales étasunienne et européenne se sont déjà lancées dans un assouplissement quantitatif massif et l’accès au dollar est sans précédent. Leurs responsables politiques ont annoncé des chiffres de plusieurs milles milliards de dollars pour la relance économique dans le contexte de la pandémie. Ainsi, les pays qui bénéficieraient réellement d’une émission de DTS sont les pays à revenu moyen et faible qui vont subir d’énormes chocs financiers dans les semaines à venir ».
Le nombre de DTS devrait alors signaler que des mesures décisives sont également prises pour le monde en développement, ont noté les deux économistes. La décision finale concernant l’allocation des DTS devrait se baser sur le montant qui ira aux pays à faible revenu. Si les pays à faible revenu doivent recevoir une allocation – corrigée de l’inflation – équivalente en dollars au montant total émis en 2009, le montant total d’une allocation spéciale dans le cadre de la pandémie COVID-19 devrait être d’au moins 2900 milliards de DTS. « C’est pourquoi nous proposons un chiffre de 3 000 milliards de DTS », a ajouté M. Weisbrot.
Les pays confrontés à de graves difficultés, comme l’Argentine, pourraient obtenir l’équivalent de 27,6 milliards de dollars grâce à cette injection. L’Éthiopie pourrait recevoir près de 2,5 milliards de DTS. La Gambie et la Somalie pourraient recevoir jusqu’à 412 millions de dollars chacune. Le Malawi recevrait un peu plus de 1,2 milliard de dollars ; l’Équateur, 6,2 milliards de dollars. Si ces montants ne sont pas suffisants, les pays à haut revenu pourraient mettre en place un fidéicommis multilatéral ou établir des accords bilatéraux pour faire don de leurs DTS non utilisés aux pays à faible revenu.
Les DTS sont des actifs de réserve émis par le FMI que seules les banques centrales peuvent détenir. La valeur du DTS est déterminée par un panier constitué des principales monnaies de référence. Avec 43 % de la valeur des DTS, le dollar américain dépasse de loin les autres devises. Les banques centrales décident d’utiliser les DTS lorsqu’elles sont confrontées à des difficultés financières extraordinaires, telles que celles déclenchées par cette pandémie. Les banques centrales qui ont besoin de liquidités échangent généralement les DTS contre des dollars américains avec les banques centrales qui ont un excédent de dollars, moyennant des frais négligeables.
Certains commentateurs ont laissé entendre que les DTS ne seraient qu’une autre forme de dette. Bien que les changements statistiques récents du FMI incluent les DTS échangés dans la dette publique extérieure, les DTS ne sont pas remboursables, n’ont pas de date d’échéance et ne comportent pas de tableau d’amortissement prévu. Bien qu’ils possèdent un taux d’intérêt symbolique (0,05 %), ils ne peuvent pas être qualifiés de dette et ne peuvent pas être considérés comme une charge supplémentaire pour les pays.
« Il est important de rappeler que les allocations de DTS n’ont jamais été inflationnistes », a souligné M. Arauz. « Il n’y a pas eu de flambée de l’inflation mondiale après la grande émission de 2009. Au contraire, les DTS renforcent les positions de réserve internationales et aident les gouvernements à éviter l’inflation induite par la dévaluation de la monnaie ».
« Certains affirment que les DTS pourraient faire disparaître la conditionnalité du FMI », a déclaré M. Weisbrot. « Mais les nombreux prêts du FMI après l’émission de DTS de 2009 dans le monde entier – y compris en Europe – suffisent à démontrer que la conditionnalité du FMI s’est maintenue. En outre, les conditions attachées aux prêts du FMI ont généralement impliqué un resserrement budgétaire, et ce n’est clairement pas le moment de mettre en place des politiques d’austérité, qui empêcheraient les gouvernements de répondre aux retombées économiques de la pandémie, et entraveraient les efforts de lutte contre la pandémie elle-même ».
« Le moment est venu de reconnaître que les prêts et la conditionnalité ont été conçus pour des crises spécifiques dans des pays spécifiques », a déclaré M. Arauz. « Il est physiquement impossible pour les membres du personnel du FMI qui travaillent actuellement depuis chez eux de se rendre de Washington à chaque pays du monde pour rédiger des rapports de diligence raisonnables pour les prêts d’urgence, même si ces prêts n’étaient pas assortis de conditions. Les DTS constituent un moyen rapide et administrativement viable d’aider les pays qui en ont le plus besoin en raison de la pandémie ».
Traduit par Baptiste Albertone.